Au moment où de mauvais souvenirs remontent à la surface, ils sont vulnérables : il est possible de les effacer sans modifier le reste des souvenirs stockés, expliquent des chercheurs français et américains.
A priori, cela ressemble au point de départ d’un film d’anticipation. Des médecins capables d’effacer certains souvenirs, de façon sélective. Les souvenirs les plus désagréables, ceux qui sont cause de stress. De fait, les neurobiologistes ont démontré –sur des rats- qu’un souvenir associé à un traumatisme pouvait être effacé sans que les autres souvenirs soient affectés.
C’est au moment où la mémoire est réactivée que les chercheurs interviennent. Au moment du stockage des informations, la mémoire fonctionne en deux temps : l’information passe d’un stockage à court terme à un stockage à long terme. C’est la phase de consolidation. Pendant longtemps, on a pensé qu’un souvenir consolidé était intouchable et qu’aucune molécule pharmaceutique ne pouvait l’atteindre. Jusqu’à ce que des études suggèrent que la réactivation de ce souvenir le rendait vulnérable.
Ainsi, l’équipe de Joseph LeDoux (New York University, USA) et Valérie Doyère (NAMC/ CNRS/ Orsay, France), associée à l’époque à Karim Nader (McGill University, Canada), a déjà démontré qu’une molécule pouvait effacer un souvenir associé à un traumatisme. Pour cela, les chercheurs ont fait entendre un son à des rats avant de leur envoyer une décharge électrique sur les pattes, afin qu’ils aient peur en entendant ce son. Ensuite, ils ont injecté à certains rats un produit connu pour son effet amnésique avant de leur faire entendre le son. Le lendemain, les rats qui avaient reçu le produit n’avaient plus peur en entendant le fameux son.
Pour vérifier que cette action pharmacologiques n’affectait qu’un seul souvenir à la fois, LeDoux et ses collègues ont cette fois-ci habitués les rats à avoir peur de deux sons différents –toujours associés à des décharges électriques. Après avoir injecté le produit, ils ont fait entendre un seul des deux sons aux rats. Ces rongeurs n’avaient plus peur du son entendu sous l’effet du produit. L’autre continuait à les stresser, preuve que l’action thérapeutique était bien ciblée.
Ces observations sont confirmées par l’étude de l’activité neuronale des rats au niveau de l’amygdale, une partie du cerveau impliquée dans les émotions et la peur. Lors du rappel du souvenir traumatique, l’activité augmente dans l’amygdale. Chez les rats ayant reçu le produit, elle diminue.
Ces travaux, publiés par la revue Nature Neuroscience du 11 mars, confirment qu’au cours du processus de reconsolidation –la réactivation du souvenir- un traitement peut effacer un souvenir. Les chercheurs espèrent que cela permettra de mieux soigner les patients qui souffrent de stress post-traumatique, un stress associé à des souvenirs traumatisants et vivaces. Cependant les résultats obtenus sur les rats n’ont pas encore été vérifiés sur l’homme.
Cécile Dumas
Sciences et Avenir.com
(16/03/07)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire