lundi 16 mai 2011

L'AFFAIRE DOMINIQUE STRAUSS-KAHN

Voici le sommaire du dossier préparé par le journal LE MONDE, ainsi que deux extraits. C'est un évènement qui sort de l'ordinaire à cause du timing et du fait que c'est le genre d'homme à qui on octroie une sorte d'immunité au sein de la communauté internationale. Je vous laisse vous faire une idée :

_____ SOMMAIRE______
L’inculpation, dans la nuit de samedi à dimanche 15 mai, à New York, de Dominique Strauss-Kahn pour « agression sexuelle, tentative de viol et séquestration » a sonné comme un vrai «coup de tonnerre» dans la vie politique française ainsi que dans la communauté financière internationale. Le directeur général du Fonds monétaire international, par ailleurs favori de la primaire socialiste en vue de la présidentielle française de 2012, devait être présenté devant un juge américain lundi 16 mai après avoir accepté de passer des examens médico-légaux. L’affaire redistribue la donne au sein du Parti socialiste, où beaucoup de militants, sous le choc, évoquent l’hypothèse d’un «complot». Elle affecte les négociations en cours autour de la dette grecque et pourrait affaiblir l’euro. Entièrement mobilisé pour sa défense, l’ancien ministre des finances français, qui plaide non-coupable, pourrait être écarté très rapidement de la direction générale du FMI.

_____ EXTRAITS DU DOSSIER_____
Le PS a perdu temporairement, et sans doute aussi définitivement son champion putatif, celui qui était le mieux placé pour battre Nicolas Sarkozy et éviter le risque d’un 21 avril, c’est-à-dire une élimination au premier tour de l’élection présidentielle, comme en 2002. Les sondages mettaient en évidence la dimension internationale de M.Strauss-Kahn et ses capacités de rassemblement au-delà des frontières de la gauche.
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Depuis le début de la crise grecque fin 2009, il s’opposait aux rigoristes – qu’il qualifiait de « fous furieux » – de l’Union européenne conduits par l’Allemagne et la Banque centrale européenne (BCE). Il voulait qu’un nouveau secours soit accordé à la Grèce, afin de repousser à fin 2012, voire plus tard, son retour sur les marchés.

Avec Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE (sur le départ), et en l’absence d’un pouvoir européen crédible, il s’est imposé comme l’une des clés de voûte de l’euro et de l’Europe, un « vrai joker » pour débloquer les négociations, selon un diplomate européen. Il est le seul à pouvoir convaincre les pays émergents, membres du FMI et mécontents des milliards promis aux Européens croulant sous les dettes, que cette aide doit être accordée en raison de la dangerosité d’un effondrement européen pour le reste du monde.

Dans quelques jours, on peut donc craindre de nouvelles attaques spéculatives contre les pays en difficulté et dont la chute de l’euro en Asie, lundi, est un signe avant-coureur, si les opérateurs de marché jugent l’Europe et le FMI incapables de s’entendre pour mobiliser les 60 milliards d’euros supplémentaires réclamés par la Grèce. La situation risque de devenir vite incontrôlable.

La neutralisation du patron du FMI compliquerait les travaux du G20 sous présidence française. En effet, il a su faire de son institution un intermédiaire obligé au niveau technique, puisque ses services en pilotent la plupart des dossiers : réforme du système monétaire international ou élaboration des instruments permettant de mesurer la dangerosité des déséquilibres macroéconomiques, l’excès d’épargne ou d’endettement, le risque des balances commerciales, les anomalies de taux de change ou les flux excessifs de capitaux.

Au plan politique, aucun autre dirigeant du Fonds n’est en état de persuader les chefs d’Etat et de gouvernement d’écouter les plaintes de leurs pairs à l’encontre des politiques qu’ils mettent en place sans précautions. John Lipsky, son premier adjoint qui le remplace aujourd’hui, est un homme effacé qui ne demandera pas le renouvellement de son mandat, le 31 août. Américain, John Lipsky est considéré avec méfiance par les pays émergents.

La foi de Dominique Strauss- Kahn dans le multilatéralisme et ses talents de négociateur en ont fait l’accoucheur de consensus mondial. Personne ne pourra le remplacerle 27 mai au G8 de Deauville. Personne d’autre ne pourra faire en juin la navette entre l’Asie, l’Amérique et l’Europe pour rapprocher les points de vue sur le pilotage de l’économie destiné à assurer à la planète une croissance «forte, équilibrée et durable». Lui absent, les forces centrifuges risquent de se renforcer, d’autant que le FMI assure de facto le secrétariat du G20.

LE MONDE