Quel prix à payer pour rendre la vie plus sûre?
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a publié jeudi un avis dans lequel il s’interroge sur les risques et les dérives que peut engendrer l’usage de systèmes biométriques. Il appelle à un débat public.
Finit le temps de l’identification par les seuls nom, prénoms et date de naissance. La technologie d’identification biométrique permet de certifier qu’une personne est réellement celle qu’elle prétend être. Est-il pour autant seulement question d’authentification ? Le CCNE s’est saisi de la question et relève dans son avis « Biométrie, données identifiantes et droits de l’homme » les dangers que représente la banalisation d’un tel procédé.
Une des méthodes biométriques fréquemment utilisée par la police est l’analyse ADN. A l’origine, elle était uniquement appliquée aux délinquants sexuels. Mais, aujourd’hui elle s’étend à « toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un délit ». La loi prévoit également que la personne en question doit être consentante. Mais voilà qu’un autre article du code pénal stipule que le refus de se soumettre au prélèvement biologique constitue un délit passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende de 15.000 euros. Un système qualifié d’«hypocrite» par le CCNE avec pour conséquence directe un élargissement considérable de la population susceptible de figurer dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
Pour preuve, les experts citent l’exemple de l’Angleterre. Le recueil de données génétiques s’applique à tout individu « arrêté » même s’il n’y aucune suite judiciaire ou policière. Figure également dans ce registre toute personne témoin d’un crime ou appartenant à la famille d’un prévenu. Le prélèvement se fait sans consentement de l’individu et est conservé pendant 100 ans, sans possibilité d’effacement du fichier. Actuellement, le registre anglais compte près de 4 millions de fichiers. En France, il est passé de quelques milliers en 2001 à plus de 450.000 en 2007. Chantal Lebatard, membre du groupe de travail et administrateur de l’Union nationale des associations familiales, déplore que la priorité soit à la surveillance et non à la recherche de solutions pour éviter la criminalité.
Un point assez important mis en exergue par ce groupe de travail concerne le strict respect des finalités. Car, même si le leitmotiv de la biométrie est d’améliorer la sécurité, elle risque de transformer le contrôle d’identité en contrôle des conduites. Les experts s’inquiètent de l’utilisation de l’analyse du comportement, de l’interconnexion de données et de l’obtention de données privées et confidentielles à l’insu des personnes concernées.
Selon le CCNE, la prise de conscience publique est nécessaire. Il appelle à un débat pour mieux comprendre les dangers de la biométrie et trouver l’usage le plus éthique.
Jérémy Zuber
Sciences et Avenir.com
(31/05/07)
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